Vote électronique ou vote par internet, le vote de tous les dangers ?

Pour ou contre le vote électronique par internet pour des élections majeures.

Note préalable : 

Cet article a été publié sur un blog que j'avais créé durant la campagne présidentielle française qui a conduit à l'élection d'Emmanuel Macron en 2017. L'objectif de ce blog était de débuter une réflexion politique globale, mais les quelques articles publiés étaient très inspirés par les propositions de cette présidentielle.
Suite à la refonte de mon blog, et conformément à ces nouveaux objectifs, j'ai décidé de rapatrier ce contenu ici, en gardant la date de publication de l'article.




À l’occasion de l’élection présidentielle 2017 et des législatives à suivre, le gouvernement français a décidé l’interdiction du vote électronique et du vote par internet. C’est Matthias Fekl, alors secrétaire d’État qui l’a annoncé le 6 mars. Il est devenu ministre de l’Intérieur le 22 mars, suite à la démission de Bruno Le Roux pour l’emploi de ces filles mineures comme collaboratrices à l’Assemblée nationale.

Un petit rappel préalable est nécessaire. Le vote électronique consiste à voter par l’intermédiaire d’un système automatisé. Pour faire simple, on appuie sur un bouton pour exprimer son suffrage. Le vote par internet passe par une plateforme de vote sur le web. Vous vous connectez à internet, puis sur cette plateforme en vous identifiant, puis vous votez en ligne. Un atout important de ces types de votes est la rapidité des résultats, quasi instantanés et sans possibilité d’erreur si tout se passe correctement.

Le vote par internet : plus de facilité et plus de votants.

Un des grands maux de nos démocraties modernes est le taux d’abstention lors des élections. Il n’est pas rare de dépasser les 40% d’abstentionnistes pour certaines élections. Aux États Unis, la dernière élection présidentielle a mobilisé que 54% de votants.
Le désintéressement, le sentiment que cela ne sert à rien, le « tous pourris » sont des facteurs importants de la démobilisation.
L’idée serait donc de faciliter au maximum la démarche en utilisant un moyen moderne et simple : le vote par internet.

Il mobilise les jeunes, très souvent désintéressés de la politique. Il permet aux personnes éloignées d’un lieu de vote de s’exprimer rapidement de chez eux. Il est plébiscité par les Français résidant à l’étranger, car ils ne peuvent voter que dans les consulats souvent très éloignés de leur lieu de résidence, parfois de plusieurs milliers de kilomètres. Dans les pays sous-développés par exemple, ces distances sont souvent très difficiles à parcourir : avions très chers, routes peu praticables voir dangereuses, etc. Il est à noter toutefois que, « en brousse », même l’accès à internet est parfois compliqué.

Vote par internet : des résultats vulnérables.

La vraie question serait de savoir si, à vouloir faire simple, à vouloir faire jeune et à sacrifier à la tendance, à vouloir favoriser le nombre de votants à tout prix, on ne prend pas un risque pour la démocratie.
Tous les experts sont unanimes : internet n’est pas sécurisé. Les commissions de tous les grands pays réfléchissent à ce progrès possible et tous arrivent aux mêmes conclusions.

Le hacking est devenu une véritable guerre d’influence entre les états. Wikileaks nous révèle les méthodes très avancées des USA auxquelles aucun objet connecté n’échappe. La CIA dénonce les attaques des Russes. Les équipes de Daesh sont passées maîtres dans l’art de détourner des sites internet. On a même vu récemment des équipes turques pirater des comptes de réseaux sociaux de personnalité française, dont Alain Juppé.
Dans le rapport de la CIA à Donald Trump « Le monde en 2035 », ce phénomène est présenté comme un des fléaux majeurs des années à venir. La maîtrise des réseaux d’influence un objectif pour toutes les communautés, nationales ou transnationales, qui souhaitent déstabiliser des états.
Pour l’instant donc, aucune plateforme ne peut être sécurisée à 100%. Et la tentation sera grande pour certains pouvoirs de tout mettre en œuvre pour adapter les résultats d’élections dans le sens leurs intérêts.

Voter par internet est-il encore un vote ?

Dans le principe d’un vote à bulletin secret, un certain nombre de points doivent être respectés afin de garantir des résultats intègres. La procédure courante pour des élections est de convoquer les électeurs dans un lieu sécurisé et indépendant qui puisse garantir la sérénité. Le processus propose les bulletins de tous les candidats, une enveloppe, un isoloir pour que personne ne puisse voir votre choix et un contrôle de votre identité. Le bulletin placé dans une urne scellée est une trace physique dans le cas de contestations et de recomptage.

Pour le vote électronique, le processus est le même, sauf que, dans l’isoloir, vous indiquez votre choix. Et apparaît alors un premier souci : il n’y a aucun moyen de contrôle. Seule la trace électronique de votre choix existe, mais piratable.

Pour le vote par internet, le processus est totalement bouleversé. Plus de lieux sécurisé et indépendant, plus d’isoloirs, le contrôle d’identité réduit à un bien maigre formulaire d’identification avec login et mot de passe. Bien sûr nous pourrions envisager des connexions plus sécuriser avec envoi de code sur votre téléphone par exemple. Cela ne garantirait pas pour autant que c’est bien vous qui votez. Un hacker pourrait détourner le système. Une personne tierce pourrait voter pour vous avec votre téléphone ou sa puce.

Sans lieu de vote sécurisé, neutre et indépendant et sans isoloir, c’est aussi la porte ouverte au vote sous influence. Ne pensons pas forcément aux cas extrêmes de régimes autoritaires qui enverraient des gros bras. Réfléchissons aux petites influences d’autorité entre amis ou personnes de la même famille. L’ami a qui vous demandez comment on se connecte sur la plateforme, qui vous aide et au moment de voter, insiste sur le ton de l’humour en suggérant un « tu ne va pas voter pour XXXXX quand même ? ». La personne influençable n’osant contredire son ami, cliquant sur un choix qu’il n’aurait pas fait.

Le père un peu autoritaire qui va imposer son point de vue à son jeune fils ou à sa femme.
Le mari ou la femme mal intentionnée qui, connaissant le mot de passe courant de son ou sa conjointe, va voter à sa place et lancer ensuite d’une manière négligente pour justifier son acte « tu ne va pas pleurer pour un vote quand même ! »…
Oui, le vote par internet, sur la base de la technologie actuelle, c’est aussi une ouverture au vote sous influence. 


Quelles implications légales ?

Imaginez une femme qui prouverait que son mari a voté pour elle, sans son consentement et pour une personnalité qu’elle ne soutient pas ? Si elle dépose plainte. Si, sur une élection, le nombre de personnes déclarant n’avoir pas voté elles-mêmes est supérieur à la différence de voies qui permet à un candidat d’être élu ?


Le vote par internet, si facilement présenté comme la panacée pour rendre le scrutin plus accessible, pose bien des questions qui peuvent facilement provoquer l’effet inverse, en créant toujours plus de doute, plus de méfiance et de suspicion sur les résultats donnés. Les complotistes s’y donneront à cœur joie démontrant toutes les hypothèses les plus invraisemblables. Au final, même le vote deviendra suspect et ne présentera plus d’intérêt. Les oppositions n’auront plus que la révolte pour faire entendre leurs idées.

Une solution ? Le vote par internet sécurisé.

Pour un vote conforme, nous devons nous assurer que une personne égal un vote et être sûr que c'est bien elle qui a voté. Des solutions vont apparaître : l'identification par emprunte ou celle par la reconnaissance de l'iris et reconnaissance faciale. Effectivement, ces procédés devraient garantir la validité d'un vote identifié.
Il faudra inventer en complément l'isoloir certifié. La garantie que la personne identifiée est bien seul, donc sans influence, lors de son vote. Ce n'est pas impensable. La CIA, par exemple, arrive a enregistrer le son ou même voir à travers la webcam de n'importe quel objet connecté. Il serait donc possible de mettre au point cette garantie de solitude, qu'il n'y a personne dans votre entourage proche.
Cependant, ces deux technologies n'empêcheraient pas le piratage qui permettrait la falsification des résultats. Mais, ne renonçons pas. Le progrès est toujours grand pourvoyeur de solutions.



Plutôt que de vouloir rendre la politique attrayante, on préfère sacrifier l’intégrité du vote au nom de la modernité. D’autres solutions sont à étudier comme la suppression de la carte d’électeur (beaucoup ne votent pas, simplement parce qu’ils n’ont pas pensé à s’inscrire en temps et en heure) ; la multiplication des points de vote ; la prise en compte des votes blancs… mais l’essentiel serait que les électeurs retrouvent de l’intérêt dans l’acte en pensant qu’il est efficace, qu’il y a une incidence. Qu’ils votent donc pour un homme politique efficace qui propose des solutions raisonnables pour lesquelles il est vraiment engagé et qui correspondent à des attentes précises. Une action politique mieux expliquée, plus crédible, plus honnête, plus respectée.

Voir les résultats du sondage réalisé en mars 2017 dans des groupes Facebook politiques plutôt proche de Macron (donc plutôt favorables) :