Démocratie participative pour ou contre, avantages et inconvénients… analyse.
Note préalable :
Cet article a été publié sur un blog que j'avais créé durant la campagne présidentielle française qui a conduit à l'élection d'Emmanuel Macron en 2017. L'objectif de ce blog était de débuter une réflexion politique globale, mais les quelques articles publiés étaient très inspirés par les propositions de cette présidentielle.Suite à la refonte de mon blog, et conformément à ces nouveaux objectifs, j'ai décidé de rapatrier ce contenu ici, en gardant la date de publication de l'article.
L’info au plus près du citoyen.
De nos jours, les peuples sont plus éduqués et ont un accès quasi-instantané à l’information, grâce à des médias puissants : internet, TV, radio, presse, etc. Les réseaux sociaux, en particulier, ont développé un sentiment d’accès direct à toutes les actualités ou décisions politiques. Cette accessibilité nous installe dans le règne du commentaire. Nous publions notre avis sur tout. Les jobs les plus en vue du moment sont chroniqueur ou « expert ». Ils donnent leur avis à propos de tout et nous aident à mieux comprendre les tenants et aboutissants du flot d’infos auquel nous devons faire face.Le politique désacralisé.
Cette surabondance de transparence, de volonté de vulgarisation, de faire en sorte que tout soit compréhensible par tous, allié à l’immédiateté de la réponse politique, l’accès direct à cette dernière par les réseaux sociaux nous donnant l’illusion d’un contact sans intermédiaire … tout cela a formé un couple bien étrange avec la vitalité des propos des oppositions qui s’évertuent d’une façon systématique à prouver le contraire, la virulence de tout un chacun répondant avec violence sur ses comptes ou pages … Autrefois, nous rallions tranquillement, journal à la main, sur une table de bar, entre amis. Maintenant, on publie, à celui qui lancera, le premier, la première pierre, se gargarisant du buzz espéré.La réponse populaire à l’homme politique moderne est le « bashing », une relecture tendance du lynchage populaire.
Si vous rajoutez à cela une vague d’humoristes qui surfent sur la vague en tournant en dérision la parole des tribuns et nous sommes face à un cocktail explosif. Le politique descend de son siège curule pour se faire homme. Homme normal. Homme ordinaire. Nous et parfois moins.
Jusque-là, tout va bien. Le pouvoir ne se suffit plus à lui-même. Il n’impose plus sa vision par la seule crainte de son courroux. Nous sommes dans un plus juste partage des rôles.
Democratia : la tentation du peuple pour le peuple.
Aristote associait souvent la démocratie a un pouvoir exercé par le peuple au détriment des riches, sous l’impulsion des démagogues. Democratia en grec est dans ce cas traduit par « démagogie » ou « régime populaire ».La démocratie participative moderne veut répondre à ces nouveaux paradigmes : l’accessibilité du pouvoir et donner au peuple la parole, la possibilité au peuple d’exercer le pouvoir de manière plus directe. Elle voudrait être un progrès face aux limites de la démocratie représentative. Le fait que certaines catégories de la population sont exclues de l’exercice du pouvoir par ses « représentants », devenus comme une caste qui s’approprieraient les fauteuils honorifiques, les responsabilités et les décisions.
On ne peut que louer ce progrès - ou peut-être, retour aux sources - qui ferait que chaque citoyen serait un acteur de la vie politique. Chacun se sentant plus responsabilisé, plus engagé, plus maitre de son destin.
Et il est vrai que, pour un fervent défenseur des libertés individuelles, je ne peux qu’être tenté par ce bel esprit. Seulement voilà.
Le peuple ne gouverne pas pour le peuple.
Quand un individu réfléchi à une situation politique à laquelle il doit apporter une réponse, il réfléchit d’abord à sa vie, la protection de celle-ci, à ce qu’il a vécu, à ce qu’il perçoit comme bien ou mal. Il ne tient pas compte de l’autre, des oppositions, des courants … il a tendance à penser pour lui. C’est sa vie qui détermine son action. « Patrick aime le lait, il faudra le rendre obligatoire ; Gisèle n’aime pas le lait, il faudra interdire ce dernier considéré comme nocif ».Nous l'observons en permanence sur les réseaux sociaux. Chacun y va de son dégagisme personnel en volant interdire ceci ou cela. Les mêmes qui se plaignent d’un état policier dans le quotidien, souhaite plus de répression. En un clin d’œil, on est contre tout. On voudrait mettre en prison le voisin bricoleur ou musicien autant que les banquiers, les chauffeurs qui répondent à un coup de téléphone, les grandes fortunes toujours plus riches… autant que les pauvres suspectés de maladies infectieuses ou les SDF trop « mendiants » dans la rue.
En agence de pub, on se considère comme « branché », cool, ouvert. Le bobo tellement bobo qu’il se moque des bobos. Lol. J’ai le souvenir qu’un jour, travaillant en équipe sur des projets de communication pour la sécurité routière, j’ai été sidéré de voir dans les recommandations de l’agence "plus de répression et une augmentation des contrôles routiers" par exemple … bref, tout un arsenal répressif qui, à mon sens, n’ont rien à faire dans des solutions publicitaires.
Monsieur Tout-le-Monde est-il préparé à gouverner ? Est-il prêt à considérer que ce à quoi il aspire, n’est pas forcément du goût de tous ? Est-il prêt à relativiser son propos en considérant que le monde ne se réduit pas à « oui ou non il faut le retour de l’uniforme à l’école ».
Loin de moi l’idée de mettre en avant l’incompétence de chacun au profit de la quiétude d’une caste autorisée.
L’Homme Nouveau devra sans doute faire face à ces facteurs récents qu’impose l’accessibilité du pouvoir. À société nouvelle, nouvelles fondations. La réforme serait certainement dans l’éducation autant que dans la manière de présenter l’information ou d'exercer le pouvoir.
D’une manière générale, l’expression de tous tend à profiter aux conservateurs plutôt qu’aux progressistes. Demander son avis à tout le monde a tendance à tirer vers la bas, plutôt que de favoriser l’innovation et la création.
Participer n’est pas maître de son destin.
La grande illusion de la démocratie participative est que chacun reprendrait le pouvoir : chaque avis compte. Le peuple s’est exprimé. Aucune raison de contester, puisque c’est l’avis du peuple. Le réfractaire devient ennemi du peuple. La démocratie participative n’aurait-elle pas en son sein, une forme d’autoritarisme comme on en a vécu dans les pires moments de l’Histoire ?« Catherine va exprimer son amour du vin, vantant les vertus d’une consommation modérée ». Mais, imaginons que c’est l’avis de Jean-Charles qui est retenu. Celui qui a convaincu la majorité que tout alcool est dangereux, qu’il faut en interdire la consommation. La décision finale, la loi, risque d’être bien douloureuse à Catherine.
Participative n’est pas « tout le monde a raison ». Il s’agit juste d’un devoir d’expression. À la clef, une décision fait loi. Sous le prétexte qu’issue de la volonté du peuple, elle risque de se montrer peu souple.
Le politique déresponsabilisé.
Nous l’avons vu, la bonne pratique du genre exigerait de faire « remonter d’en bas » une vision pour la nation, des engagements pour la vie quotidienne du pays. Le rôle du politique ne deviendrait donc plus que celui de valider la décision finale, l’intégrer aux lois et la faire appliquer. Tout au plus un rôle d'animateur.Il n’est plus responsable de cette dernière. Il n’a plus d’effort à produire pour imaginer un avenir, proposer des solutions, des alternatives. Il devient manager de citoyens, plutôt que leader, visionnaire.
Est-ce la mort de l’homme politique au profit d’un gestionnaire administrateur de loi ? Vous savez, ce super-juge que l’on voit dans certains films de science-fiction. Le super « homme de loi », froid, totalement dénué d’états d’âme. Il est la loi et veille à ce qu’elle soit respectée.
À moins qu’il devienne un homme de l’ombre, façon apparatchik soviétique qui, derrière des bureaux poussiéreux et mal éclairés, intrigue pour sa carrière, signant machinalement des textes décidés "par le peuple".
Nous le voyons, la démocratie participative, si elle est animée par une belle volonté, présente des risques pouvant mener à sa propre destruction.
Cependant, on ne pourra pas échapper à cette nouvelle tendance forte. Nous ne voulons plus être à peine consulter lors d’une élection et offrir un mandat à une élite représentative qui finit par nous paraître très éloignée de nos préoccupations quotidiennes au point de bien peu l’arranger.
Je crois, dans un premier temps, à une représentation plus ouverte, en modérant sérieusement toute tentation de carrière politique par la limitation des mandats, le non-cumul et la possibilité à tous de pouvoir y accéder à un moment ou à un autre de sa vie. Plutôt que de vouloir réfléchir à un rétablissement du service militaire, il serait peut-être plus profitable de mettre en place des mécanismes simples pour que chaque citoyen puisse, à un moment de sa vie, exercer un mandat, aussi symbolique soit-il. Le sens civique y gagnera sans doute beaucoup.
Voir les résultats du sondage réalisé en mars 2017 dans des groupes Facebook politiques plutôt proche de Macron (donc plutôt favorables) :
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