Bio Pro

Biographie professionnelle CV : Pascal Kryl

Une bio pro, c’est quoi ? Un CV augmenté. Pourquoi ? Parce qu’une vie professionnelle, c’est autre chose qu’une suite de dates, d’entreprises et de postes. Le parcours d’une vie est une belle histoire. Découvrez la mienne en toute transparence. 

Partir de rien et devenir PDG. Certains y verront une ascension vers le possible, d’autres la trace de l’ascenseur social. J’y ai vécu un parcours professionnelle passionnant et complet, construit autour d'opportunités et d'une vocation affirmée. 
Se dégage de ce long chemin, une identité et de la résilience. Une vision de qui je suis. Être pour avancer dans la vie. La vie pour devenir. Un être en mouvement, puisque le temps nous définit mieux qu’un doigt pointé sur des faits.

La belle histoire.

Dès mes premiers pas dans la vie professionnelle, un employeur solllicité m'a dit : « Vous savez dessiner, c’est bien, mais vous ne savez pas vous servir d’un ordinateur ». Dans ma campagne de la région de Madiran, à contempler les saisons passées, j’avais donc raté un train ?

Oui. Celui de la bureautique. Terminés les codes informatiques pour ingénieur, la révolution Apple était passée par là. Une souris, un écran et du WISIWIG (What You See Is What You Get). Je décroche mon premier stage de formation à Toulouse en PAO (Publication Assistée par Ordinateur). Deux mois en salle de cours à découvrir l’environnement Mac, QuarkXPress, Photoshop 2.0 et Freehand et Illustrator. Puis, un mois de stage en entreprise, passé dans une petite agence de pub toulousaine. J’y ai découvert le SE30 (Macintosh), la colle repositionnable et les briefs interminables d’un chef d’entreprise passionné.

Macintosh SE 30 et illustrator 1.1

Ce stage PAO a fait l’effet d’une bombe dans mon esprit. Je découvrais le plus merveilleux crayon de couleur de l’Histoire, dans une boîte en plastique nommé Apple. La Pomme ne me quittera plus. Durant cet apprentissage, je suis allé jusqu’à louer un Mac pendant deux mois pour pouvoir travailler le soir et le week-end. La location de ce type de matériel était encore rare et très chère, mais j’avais la certitude d’avoir touché au Graal. En 1991, la PAO avait à peine 6 ans. J’allais participer à une mutation.

Toucher le Graal n’est pas en boire l’élixir. C’est comme voir le bonheur derrière une vitrine, mais le chemin pour en profiter est encore long. Et quand on a, sur un CV, que trois mois de stage à mettre sur la table, la conviction peut, rapidement, se transformer en chemin de croix, « des Peaux-Rouges criards nous ayant cloués nus aux poteaux de couleurs », dirait Rimbaud.

Après la lecture de « La publicité selon Ogilvy », j’ai essayé, moi aussi, d’envoyer des CV décalés aux agences toulousaines, mais rien. Pas une réponse. L’acquis était fragile. Il ne fallait pas le perdre. Une porte s’est ouverte avec la possibilité d’un contrat social d’un an au Centre Culturel Alban Minville de Bellefontaine. Je l’ai transformé en opportunité.

Au Centre Culturel de Bellefontaine, Toulouse.

Travailler dans un centre culturel, pour quelqu’un qui est passionné de culture, n’est pas totalement dénué de sens. Entouré d’une équipe au service d’une action sociale dans un quartier difficile y ajoutait une teinte intéressante. Il y avait un ordinateur, Mac, j’en ai profité pour entretenir mes bases. Le centre bénéficiait d’un studio son. J’ai fait un bref stage formation en enregistrement, mixage et vidéo. Le CCAM, situé sur une dalle en béton au cœur de la cité, organisait un événement, similaire à la fête des voisins, pour réunir les habitants… j’ai proposé pour nom de cette manifestation « On crève la dalle », non sans créer une polémique chez les responsables, certains enthousiasmés, d’autres opposés. Déjà, cette envie de faire des phrases ;)

centre culturel Alban Minville, Toulouse Bellefontaine

La vie, c’est aussi savoir saisir les opportunités. La mienne, durant cette année, a été le Festival de Cinéma d’Histoire De Toulouse au CCAM. Ils avaient besoin d’une affiche, je leur en ai proposé une, entièrement faîtes en traditionnel, avec de la peinture sur papier. Ils ont accepté et m’ont donné la chance de m’investir dans leur festival. Celui-ci terminé, j’ai négocié pour obtenir une rémunération. Cette dernière m’a permis d’acheter mon premier Mac. Je pouvais enfin m’envoler.

Les opportunités, c’est bien. Encore faut-il les transformer. Un Mac à la maison ne me donnait pas du travail ni de l’expérience. Il m’a permis de pratiquer plus pour devenir meilleur. Je me suis vite aperçu d’une chose : écrire avec un clavier, c’est bien, mais avec deux doigts, ce n’est pas efficace. La base, pour bien utiliser ce matériel, était de savoir dactylographier. À l’aide d’un logiciel, j’ai appris à maîtriser le clavier.

Toulouse est une ville étudiante. Il y avait une importante demande pour taper des mémoires ou thèses. Peu de personnes, à l’époque, étaient équipées de micro-ordinateur. Je me suis mis à poser des affiches un peu partout, placer des petites annonces… Et j’ai gagné mes premiers clients. Le Mac m’ouvrait une nouvelle porte : devenir entrepreneur. Durant les heures perdues, je m’occupais de la mise en page d’un fanzine, gratuitement, histoire de me faire la main sur du concret. Apprendre par de ses erreurs et se confronter à des contraintes : livraisons, attentes du client, retours… La persévérance, mais aussi apprendre à être autonome, gérer son temps, « travailler mieux, pour gagner plus ».

Et le ciel s’est éclairci : la conquête.


Union Patronale Midi-Pyrénées, mise en page magazine et direction artistique, Toulouse.

Incroyable, mais vrai, après des années à arpenter les « salles de pas perdus » de l’ANPE, j’étais convoqué pour une offre d’emploi. Je ne saurais trop remercier la loi française qui permet aux femmes de bénéficier de quatre mois de congé de maternité payé. L’Union Patronale Midi-Pyrénées éditait un magazine en interne. La secrétaire formée à la PAO allait accoucher. Ils avaient besoin d’un remplaçant. L’agence pour l’emploi a envoyé plusieurs candidats. Je n’étais pas le favori. Ils attendaient une personne avec un profil de secrétaire, plutôt une femme. Je n’avais pas d’expérience. Les responsables ont fait passer à chacun des candidats des tests. Un détail a fait la différence : j’étais le seul à savoir dactylographier ! Belle intuition pragmatique que j'ai donc eu d’avoir appris à saisir sur un clavier avec mes 10 doigts.

Je gagne le poste et me voilà face à une mission simple : mettre en page le mensuel du syndicat patronal. Une charte graphique à suivre, une date de remise de fichier impérative et les articles qui arrivent au fur et à mesure. Rien de bien compliqué a priori, mais en ces temps-là, la PAO n’était une science exacte. Un fichier planté faisait partie du quotidien probable. Il m’a fallu donc m’adapter à une nouvelle réalité dans la catégorie : fin de mois, le magazine quasi terminé, et le fichier complet qui explose. Impossible de le rouvrir. Tout refaire dans l’urgence. Sauvegarder pour sécuriser. En plus du travail à recommencer, le stress, être confronté à ce vague sentiment d’injustice ou de petite honte puisque le doute sur vos compétences est en jeu. Auriez-vous mal fait ? Manque de maîtrise ? Je n’avais aucune explication à fournir et était certain d’avoir bien fait. L’informatique, ses limites et ses bugs nous mettent souvent face à ce type de malaise. Un seul remède : sécuriser, avoir du matériel bien entretenu, des fichiers propres… optimiser ses chances pour ne pas avoir de problème. De l’anticipation donc. Cela n’empêche pas et peu même rajouter à la rage : quand ça plante, ça plante, même si vous n’y êtes pour rien. Je rencontre encore cela pour la gestion de site web par exemple.

Ce petit souci du premier mois - sur l’ancien fichier que j’avais repris - est resté un mauvais souvenir après avoir refait un fichier neuf et avoir mis en place un système de sauvegarde très régulière. Minimiser les risques. Compartimenter pour en réduire l’impact au minimum. C’est un peu comme installer des portes étanches dans chaque pièce d’un navire. S’il y a un problème dans une pièce, on ferme la pièce. On ne coule pas le bateau.
Les trois autres numéros se sont bien passés. Prenant de l’assurance, on m’a demandé de faire évoluer la maquette du magazine. Et surtout, on m’a confié la direction artistique complète du numéro hors série annuel « Le Top Économique Midi-Pyrénées ».

Cet épisode dans le journalisme reste un bon souvenir, mais il avait une inévitable fin : le retour de la secrétaire, après son congé. Un fabuleux manège allait se mettre en place sur le mode « c’est toi qui a fait ça ? Tu m’intéresses », manège qui m’a longtemps suivi après. Avant impression, le magazine partait chez un photograveur. Un des meilleurs de Toulouse, en tout cas un des plus avancés puisqu’il avait déjà fait la reconversion de ses ateliers vers le numérique. Il avait besoin de personnel. Il a demandé qui avait fait la mise en page du hors-série et m’a demandé un RDV. Cast Photogravure allait me faire prendre conscience de l’univers de la chaîne graphique.

Cast Photogravure, infographiste PAO, Toulouse.

Mon – presque - premier vrai boulot, en quelque sorte, puisque sans limite de temps. J’y ai rencontré un métier condamné à disparaître à très brève échéance, mettant sur la touche ceux qui n’avaient pas pu s’adapter. Nous étions à la fin de l’âge d’or de la photogravure. Le métier consisté à « flasher » des fichiers de mise en page sur des films en quadrichromie généralement. Fournis à l’imprimeur, ils permettaient de faire les plaques en vue de l’impression offset. Pour le contrôle et un modèle à respecter, on éditait des cromalins, une épreuve. Le client vérifiait que son fichier était parfaitement conforme, qu’il ne manquait rien, sans erreur, mais surtout, il vérifiait la précision des couleurs ou la qualité des photos. Ensuite, ce cromalin validé partait avec les films chez l’imprimeur. Il devait obtenir le même résultat.
En haut de la pyramide des métiers de la photogravure, le scannériste. Un scanner de l’époque ressemblait à une machine de vaisseau spatial et faisait plusieurs mètres. Le scannériste numérisait les photos fournies. Restait aux monteurs à détourer ces fichiers, en haute définition, puis de les remplacer dans les pages fournis par les clients. La haine, dans ce métier-là, c’était les vélos à détourer à cause des rayons et de la chaîne, mais le pire était le persil frisé toujours placé sur les compositions de morceaux de viande par les photographes « pour faire beau ».

Chez les imprimeurs on parlait déjà du « direct to plate » (impression sans film) et les premières machines d’impression numérique faisaient leur apparition. Par ailleurs, le chef d’entreprise de Cast Photogravure connaissait mes compétences en mise en page. De nouvelles possibilités s’offraient pour son activité. Très rapidement, on me confiait des travaux créatifs. J’ai vu naître les premiers calques sur Photoshop. Ils m’ont permis de travailler sur des pages de pub pour de grandes marques de surf. Les samedis, je travaillais souvent pour La Dépêche du midi à faire des pages d’annonces. Chaque samedi travaillé rapportait 900 francs. C’était bien cool à la fin du mois.

Les métiers de la photogravure voyaient leur horizon s’assombrir. Et je voulais continuer de progresser. Un contact a été fait avec l’un des bons clients de Cast Photogravure : Graphi Imprimeur.

Graphi Imprimeur, graphiste PAO, Rodez-La Primaube.

Une magnifique imprimerie à Rodez animée par une volonté de qualité. L’année où j’y suis passé, Graphi Imprimeur a obtenu la distinction très recherchée de Cadrat d’Or. On travaillait sur des flashages à 175 dpi au lieu des 133 / 150 traditionnels. Des travaux ont même été effectués en trame aléatoire. Un must à l’époque.
J’ai intégré le staff du studio PAO à concevoir des dépliants, catalogues, cartes de visite, etc. brefs, le quotidien d’un imprimeur. Le service avait déjà son Directeur Artistique Senior. Je me suis vite retrouvé dans ses pattes avec des dossiers plus créatifs à devoir sortir.


Deux choses déterminantes ont eu lieu dans ce studio. Tout d’abord, mais je ne le saurais que plus tard, j’ai eu à travailler sur un catalogue de séjour touristique, du plus important Tour Opérateur français pour Cuba de ces années. Cuba était en plein boom.

Le plus important client de l’imprimerie était une maison d’édition de beaux livres très exigeante : les éditions du Rouergue. Cette dernière cherchait quelqu’un de polyvalent pour son studio. Échange de bon procédé entre les deux chefs d’entreprises. J’ai été recruté par cette fameuse maison d’édition.

Les Éditions du Rouergue, infographiste, Rodez.

Une belle maison, sous la direction de Danielle Dastugue ces années là, qui m’a permis de grandir dans les aspects techniques des métiers des arts graphiques. J’y ai découvert la conception de Beaux-livres, et surtout, les éditions jeunesses. Un univers proche de la BD.

studio graphique édition du rouergue

Un petit studio graphique mise en place par le fils Dastugue lui même. Bons Macs derniers modèles, logiciels dans les dernières versions, DAT pour l’archivage… Et surtout un scanner Lynotype Topaz. Probablement ce qui ce faisait de mieux à l'époque dans sa catégorie et une occasion unique de parfaire ma maîtrise de la numérisation d’image et de la chromie. Encore fallait-il tirer le meilleur de ce merveilleux outil et ce ne fut pas chose facile. Une formation, très brève et mal orientée : scanner en mode LAB. Une torture en retouche chromatique ensuite sur Photoshop, avec des résultats très aléatoires et souvent pas à la hauteur.  Quand les résultats ne sont pas bons, c’est l’opérateur qui en prend plein les oreilles, c’est lui qui est mis en cause. Redoutable. Il a fallu prendre le taureau par les cornes. Je l’ai fait et me suis tapé le mode d’emploi de quelques centaines de pages pour trouver la solution. Elle était toute simple : scanner en RVB et le tour était joué. La photo était quasi parfaite du premier coup ! Gain de productivité et de qualité avec un brin de reconnaissance. Bon, pas un super brin car, démontrer l’erreur du fils de la DG, ce n’était pas du meilleur ton. C’est tout le problème des petites structures familiales. On joue aux quilles dans un magasin de porcelaine. Le bonhomme me réserva un chien de sa chienne comme dit l'expression populaire.

J’ai eu la chance d’y rencontrer de bons auteurs et d’excellents illustrateurs comme Elzbieta. Des photographes comme Renaud Dengreville ou un maître cuisinier super étoilé comme Michel Bras, et une petite équipe sympa comme Nathalie DesmoulinsJ’ai travaillé sous la direction artistique d’Olivier Douzou. Un style, un univers, du talent, mais aussi une chape de plomb pour toute forme de créativité.
Malheureusement, pris entre la toute-puissance Douzouienne et le fils de la patronne pour chef de studio, je n'ai pas réussi à imposer mon appétit créatif, et n’ai gagné qu’à me faire tirer les oreilles sur le mode « reste à ta place et fait ce qu’on te dit ». L’histoire s’est donc achevée. « L’univers étant infini, il y a toujours plus de place à l’extérieur qu’à l’intérieur ».


Un bref séjour chez un petit photograveur du coin… et la belle histoire c’est remis en marche : le Directeur Artistique Senior de Graphi Imprimeur m’appelle. Le commanditaire du catalogue de séjour touristique à Cuba a un fils à Madagascar. Ils cherchent un Directeur Artistique pour leur agence de publicité. Je rêvais d’aller à l’étranger. On m’aurait dit la Chine ou la Colombie, j’aurais foncé de la même façon. Ce fût Madagascar, après un simple coup de fil. Me restait à prendre mon billet d’avion.

C’est aussi à cette période que j'ai souhaité mieux maîtriser la photographie, conquis par l’abbatiale Sainte-Foy de Conques avec ces vitraux de Soulages et les paysages de l’Aubrac.

Agence Tam Tam, Directeur Artistique puis Directeur de création, Antananarivo, Madagascar.

Un petit pas pour l’homme, mais un pas de géant pour moi. Enfin je touchais un rêve : travailler dans la pub. Tam Tam Vidéo depuis 1994, les premiers opérateurs de téléphonie mobile lance à GSM à Madagascar en 1998. Je n’ai jamais su comment, mais France Telecom a choisi Tam Tam, alors société de production audiovisuelle, pour s’occuper de sa communication. Il est vrai qu’à l’époque, à Tana, il n’y avait qu’une seule agence de pub. La possibilité de bénéficier d’équipes de tournage et montage était un sérieux plus.
L’agence avait déjà fait, trois mois plus tôt, le lancement d’Antaris (actuelle Orange) avec l’aide, pour tout ce qui graphique, du Directeur Artistique senior de Graphi Imprimeur. Vous comprenez maintenant le lien.

Sous la direction de Stefan Troubat, il a fallu construire pas à pas une véritable agence de communication. Un challenge passionnant car structuré autour d’une équipe multi-disciplinaire : staff de direction, commerciaux, studio graphique, équipe audiovisuelle complète, studio son et même plateau de tournage ! Un joujou sublime pour créatif de tout poil. Et pour moi qui, depuis le début de ma vocation m’était dit « la pub, c’est l’endroit où on peut tout faire : écrire, dessiner, faire des films, de la mode, de la photographie… » le sort m’avait gâté. Je pouvais tout faire … Et plus… Et pleinement.

Dans la vie la chance a son importance sous la forme de ce fameux principe : être au bon moment au bon endroit. Arrivé en 1998 chez Tam Tam Vidéo fut de ces moments-là. Tout d’abord, lancer un opérateur de téléphonie mobile au niveau national n’est pas une mince affaire. Ensuite, entre 1998 et le début des années deux milles, il y a eu une grande période de privatisation à Madagascar qui a fait venir d’importants investisseurs internationaux. Tous ont communiqué. J’ai ainsi travaillé sur le lancement de : Canal Satellite, la BFV-Société Générale, le BNI Crédit Lyonnais, Invesco-HSBC, … Jovenna, Shell…WWF, …et même sur de la communication avec la campagne d’élection de Marc Ravalomanana à la mairie d’Antananarivo pour laquelle j’ai senti qu’il fallait donner une stature présidentielle à l’homme.

J’y ai conçu mes premiers 4X3, des insertions presses à la pelle, des plaquettes en tout genre, des logos et chartes graphiques… mais aussi mes premières réalisations de spot TV ou radio, écrit des stratégies et participé à l’aspect commercial et contact clientèle, fait mes premières présentations. 

C’est une des grandes leçons d’un pays comme Madagascar : il faut tout faire et tout suivre, gérer, manager pour être certains que cela arrive bien au bout. J’ai pu occuper presque tous les postes d’une agence de communication : commercial, directeur de création, directeur artistique, concepteur-rédacteur, graphistes PAO, réalisateur, dirigé des voix off ou participer au montage de film … développer et mettre en œuvre des stratégies, organiser de grands évènements de lancement de marque, faire de la photographie, du casting, faire des émissions TV, dessiner des costumes d’hôtesse ou des décors, des stands, du packaging… construire des médias planning et de l’analyse et l’achat médias, suivre la production et les fournisseurs … manager des équipes… tout… J’ai pu m’exercer avec passion à tous les métiers de la communication sous toutes ses formes.

L’agence Tam Tam est devenue la plus importante agence de l’île. Les panneaux d’affichage ont commencé à envahir la capitale. Cet âge d’or de la publicité à Madagascar a attiré la convoitise et la concurrence est devenue plus rude, les grands budgets moins nombreux.

En décembre 2002, tout le monde pensait que Didier Ratsiraka garderait la présidence. Début janvier, je partais pour La Réunion, juste avant la grève générale décidée par Marc Ravolamanana. J’échappais donc à la crise qui stoppa net l’économie malgache pour partir chez Globe, une des plus importantes agences de l’ancienne île Bourbon.

Globe Communication, Directeur Artistique, Sainte-Clotilde, La Réunion.

Je suis arrivé chez Globe dans une agence en pleine mutation. Son fondateur et une bonne partie de son équipe avaient passé la main. Sous la direction de Jean Philippe Cordier, l’agence prenait un nouvel élan. Une période un peu instable.
Ce fut aussi mes premiers pas à La Réunion. Arrivant de Madagascar où j’étais « comme un petit », cette intégration dans une agence structurée et cantonnée à mon rôle de DA, derrière mon ordinateur, n’a pas été simple.

J’ai eu la chance durant mon séjour de travailler sur des budgets comme Renault, mais surtout pour deux clients importants :  British American Tobacco (BAT), pour lequel j’ai travaillé sur du dark marketing ou marketing alibi, et la Filière canne à sucre très puissante sur l’île.

Je cadrais mal dans cette nouvelle équipe, qui, d’ailleurs, n’est pas restée non plus, et la direction a préféré me demander de partir au bout de six mois. 
L’histoire est têtue et, cette fois-ci, ce sont les clients de l’agence qui ont demandé à continuer de travailler avec moi.

La BAT a souhaité que je continue de travailler sur un gros projet : la création d’un packaging pour la version light de leur plus importante marque du 974 : Gladstone. J’ai dû donc me mettre à mon compte. Novialom était née et travaillait en sous-traitance pour Globe !

Novialom, publicitaire consultant, Sainte-Clotilde, La Réunion.

Se retrouver, jeune entrepreneur, dans un pays où l’on ne connaît rien ni personne n’est pas la meilleure des sensations. Une impression de grand vide, de s’être trompé, plutôt renforcée par le vécu de mon premier cyclone, enfermé trois jours dans ma chambre sans électricité, ni eau, et les piles s’usant avec les provisions faites les jours précédents.

Ce projet de packaging Gladstone light a été passionnant et formateur, car manager par un vrai professionnel du marketing comme on en trouve dans ces grands groupes de cigarettiers internationaux. Une personne très pointue, exigeante, marketeur dans sa version noble. Ce travail fabuleux a donc pris quelques mois : créations d’une multitude design, premières sélections et améliorations. Les packagings retenus étaient imprimés en quelques planches. Je devais les monter manuellement et les remplir pour qu’ils ressemblent en tout point à un vrai paquet de cigarettes neuf. Ils partaient en test. Focus groupes quantitatifs et qualitatifs. Débriefing, optimisation des design, re-impression et montage… re-tests clients… et ainsi de suite jusqu’à déterminer le paquet final, prêt à être lancé sur le marché.

Et comme toujours, la belle histoire continue puisque c’est la responsable de la communication de la Filière canne à sucre qui m’a appelé pour venir la voir. Au départ une vague demande d’une petite affiche et d’une plaquette. À la clef, un appel d’offres pour le lancement d’un nouveau rhum à La Réunion. Inutile de vous dire que je n’en menai pas large. En face, rien de moins que les plus grosses agences de l’île ! Étant nouveau et sans aucune connaissance de l’âme et de l’histoire créole réunionnaise, j’ai eu le bon réflexe : demandez aux responsables de la Distillerie de Savanna de visiter cette dernière. Laurent Broc m’expliquera plus tard que j’ai été le seul à faire cette démarche et que cela a été très apprécié. Le dossier est passé, malgré des créations que l’on n’a jamais utilisées d’ailleurs. J’ai gagné l’appel d’offres et ai été pris en main par la nouvelle commerciale dédiée à ce lancement de marque, Marie Lebon. La grande aventure des rhums Savanna était lancée. Créations des packagings, évènementiels de lancement, visuels presses, dépliants… une magnifique collaboration s’est mise en place. Je l’ai conservé un peu au-delà de mon retour à Madagascar, six années plus tard. Pour gérer l’implantation d’une telle marque, mon expérience malgache a été extrêmement utile. J’apprenais aussi à manager des projets, seul. Une très bonne école.

Beau contrat, belle marque, une petite réputation s’est faite assez rapidement. Puis, encore une fois, la chance des bonnes rencontres. Le directeur commercial de l’imprimerie NID, Mr Rodriguez m’a appelé pour travailler sur les catalogues promotionnels d’une grande chaîne de magasins d’articles de sport : City Sport. Ont suivi, entre autre, Tunzini ou encore Corem. J’ai également eu la chance, grâce à un ami réalisateur Sami Chalak, d’avoir à organiser un event majeur pour GTOI, un séminaire qui réunissait les plus grands dirigeants de Colas monde. Du grand show pour une entreprise qui ne veut qu’une chose : offrir le meilleur avec une exigence zéro faute impérative.

Le choix de La Réunion était une volonté de me confronter, dans mon métier, à des exigences françaises, tout en restant au plus près de Madagascar où j’avais passé de si formidables années. 
J’avais vu naître internet avec Altavista ou Yahoo! … j’ai vite compris l’importance et la puissante de ce média. J’ai ouvert la société Tranobongo à Antananarivo pour faire des sites internet et un peu de communication à Mada. C’est lors de nombreux aller-retour entre les deux îles que j’ai revu un ancien cadre de Tam Tam, à l’aéroport. À la tête d’une grande agence de la capitale malgache, il avait pour idée d’ouvrir une autre grande enseigne mondiale de la publicité à Madagascar : JWT. En mai 2008, Double You était ouverte en attendant d’avoir l’enseigne officiellement.

JWT Madagascar, PDG, Antananarivo.

Officiellement, en février 2009 donc, me voilà PDG de JWT Madagascar SA. À la tête d’une petite agence d’envergure nationale et affiliée au quatrième plus grand réseaux d’agences de la planète. C’est aussi cela Madagascar. Une terre d’opportunité. De la magie quand on fait un bref retour sur cette bio avec ces débuts bien mal parti.

La persévérance, la ténacité, peut-être aussi une part d’audace, j’ai arpenté un chemin plutôt qu’une volonté carriériste, j’ai appris, à chaque étape franchie, à m’adapter, rebondir, avancer toujours, saisir et s’enrichir de chaque pas vécu.

Des débuts difficiles pour l’agence, mais encourageants. Nous gagnions les appels d’offres sans trop de difficulté, fort d’un esprit créatif qui se remarquait et faisait son effet. Il faut tout de même le dire, sans notre partenaire financier, nous n’aurions pas tenu longtemps. Tananarive ne nous attendait pas et n’avait pas besoin d’une agence de plus.

WWF nous a conduit à refondre totalement le logo et la charte graphique de FAPBM (la fondation pour la biodiversité). Par ricochet, JWT a travaillé avec le Ministère de l’Environnement. Nous avons gagné Marie Stopes. Mais surtout, nous avons su convaincre un nouvel opérateur de téléphonie mobile, Life. Une bataille de lobbying et un heureux hasard. L’opérateur avait consulté toutes les agences sauf nous. Nous étions nouveaux sur le marché. Ils ne nous connaissaient pas. Leur choix était fait, mais encore officiel. In extremis, nous avons déposé un dossier complet à son intention à l’hôtel Carlton où le CEO résidait. Il a fait l’effet d’une bombe. Convoqués dès le lendemain, nous étions accueillis en vainqueur. Une fois de plus une belle aventure commençait.

Ce que nous ne pouvions pas prévoir, c’est que fin février 2009, Madagascar rentrerait dans une période de crise, proche de la guerre civile. Capitale sous danger, économie paralysée, pillages, morts… et renversement de gouvernement. Marc Ravalomanana en exil. Une Haute Autorité de Transition au pouvoir avec Andry Rajoelina aux commandes. Et toutes les petites magouilles de grandes corruptions propres à ce type moment chaotique. Life, quatrième opérateur mobile à Madagascar, n’y résistera pas.

Aux grandes opportunités, les grandes désillusions, quand viennent perturber l’exercice de votre métier, les intrigantes perversités des méandres de l’actionnariat. Les trahisons sous le feu du non-dit, le désarroi de se retrouver confronter à ceux qui devraient vos plus sûrs amis. Je me suis retrouvé dans le gouffre sans fond des manigances d’actionnaires. PDG, c’est aussi devoir faire face à cela. Je l’ai appris à mes dépens.
Nous avions comme projet avec mon partenaire de monter JWT Océan Indien, une fois JWT Madagascar stabilisé. J’ai appris presque par hasard qu’il avait monté JWT La Réunion sans même m’en parler. Un échec total qui a trouvé un nouveau rebond avec l’entrée en jeu d’un partenaire puissant de l’île Maurice. JWT Mauritius était en place et était programmé pour prendre la direction Océan indien, sans m’avoir seulement demandé mon avis.

Ce nouveau partenaire de poids était aussi porteur d’un grand projet. Le lancement du loto à Madagascar fort de son expérience mauricienne. La belle histoire devait donc continuer, mais elle coûtera la vie à cette belle petite agence qu’était JWT Madagascar, au nom du pouvoir et d’egos alambiqués.

Avec moi, une douzaine de personnes, sans grande expérience dans la communication, mais animées par le projet fabuleux tombée du ciel comme une étoile : un budget colossal, à neuf zéro, en dollar, pour la communication du lancement de Loterie Malagasy. Après avoir gagné l’appel d’offres la création du logo et la charte graphique, nous avons fait face à tout ce qui était possible faire à Madagascar en terme de publicité : street marketing avec des boules de loto géantes sur le lac Anosy ou à la gare d’Antananarivo ou convoi d’animation, affichage urbain, spot TV-radio corporate et produit, explications du processus de jeu, faux JT, teaser, reportages … apprentissage des mécanismes précis d’un loto, événementiel, Relation Presse,… design de cartes à gratter, feu d’artifice digne d’une fête nationale… Chaque tirage du samedi, diffusion des numéros validés et gains, chaque dimanche impression et pose d’autocollant sur les affiches pour annoncer le prochain Jackpot ! et j’en oublie certainement.

Les factures coulaient à flots et une ambiance de « touche pas au grisby » c’est vite mis en place chez ms partenaires majoritaires. La parano s’est installée. Par ailleurs, le loto n’arrivait à prendre à Madagascar alors qu’on avait suivi à la lettre les recommandations des experts du genre venu du Canada pour ce challenge. J’avais essayé dès le début de souligner un problème fondamental : une grille de loto à 2000 ariary alors qu’avec cette somme, on faisait manger une famille malgache pendant une journée (1 kilo de riz et du loaka ou accompagnement). Le loto est une entreprise populaire qui réussit sur les millions de petites mises des joueurs. Or, avec 76% de pauvres avec un revenu familial de moins de 200 000 Ariary (80 euros) par mois, l’opération était quasiment vouée à l’échec. 
Les tensions ont atteint leur paroxysme et, comme bien souvent dans ces cas-là, le PDG cristallise tous les reproches. Un pion doit sauter pour justifier les responsabilités de chacun. La séparation était inévitable.
En septembre 2011 donc, je quitte JWT et me retrouve avec une visibilité financière de moins de trois mois devant moi dans un pays où aucun filet social n’existe.

Heureusement, les autres clients de JWT m’ont rapidement appelé sur le ton « JWT c’est vous ». Une nouvelle ère prenait son envol pour moi. La loterie à Madagascar s’est éteinte. JWT Madagascar avec.

AléoConsult, communicant, Antananarivo.

Franck Fohine et la Cie Vidzar furent les premiers à me prendre sous leur aile en tant que consultant en communication. Je ne le remercierai jamais assez. Nous avions déjà commencé un travail sur sa marque de rhums Dzama avec JWT. Mon expérience pour la Distillerie de Savanna m’ayant précédé, nous entamions une collaboration toujours en cours en cette année 2017.
Suivit, très peu de temps après par un groupe sous la responsabilité de Riaz Hassim, pour lequel JWT avait déjà travaillé sur la marque de beurre Montfeuri ou la margarine Laziza par exemple. Comme pour Mr Fohine, tous mes plus sincères remerciements à cet entrepreneur avec qui j’ai le plaisir de travailler encore en 2017.  Grâce à ces deux budgets, je suis retombé sur mes pieds. La belle histoire pouvait donc continuer, mais sur un mode plus discret, presque dans l’ombre et sans faire de bruit. 

Cette période moins dans la lumière m’a permis de reprendre plus en profondeur l’activité web avec notamment le développement de Dwizer, une meilleure maîtrise du webmarketing, du SEO et du community management avec l’influence croissante des réseaux sociaux. Je m’occupe de la conception, mise en ligne et maintenance de quelques sites d’hôtellerie ou d’entreprise.

Consultant, j’ai perfectionné la photographie avec la mise d’un studio (Eyelovioo) et la réalisation vidéo jusqu’à apprendre le montage sous Première pour une plus grande indépendance.

J’ai ai aussi profité pour reprendre des formations grâce aux nouvelles possibilités des MOOC. Marketing avec l’université de Louvain, SEO et community management avec Open Classroom et Management par VideoToBrain par exemple. Apprendre c’est s’élever, maîtriser et devenir plus performant. J’ai toujours aimé le savoir, la connaissance et ce doux plaisir d’apprendre, savoir qu’un jour on utilise des compétences dont on ne connaissait rien la veille. C’est fabuleux.

Côté professionnel, j’ai la chance d’avoir travaillé pour de belles marques comme Dzama, Makiplast, Aurlac, Ballou, Royal Spirits, Patapon, Byphasse … mais aussi Lu, Oreo, Montfleuri, Sanogyl, Email Diamant … Bref tout ce que vous pouvez voir sur ce blog et sur  cette autre site http://pubmadagascar.blogspot.com/ plus spécifiquement dédié aux travaux graphiques d’édition.



To be continued… ;)


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Begins :) Un parcours, un combat, une vocation et un objectif.

Les débuts difficiles mais formateurs, ils ont forgés un esprit de résilience et de persévérance.
Aucune difficulté n'est immuable. Tout est enrichissement.
Avant la belle histoire.

L’école… une arche perdue. 

Vivre, c’est choisir. Une suite de milliers et constantes décisions, aussi infimes soient-elles. Comme un pas en avant peut nous faire louper une marche, l’option sélectionnée s’avère être la mauvaise porte. Les conséquences pèsent sur vos aspirations, comme rater un bateau vous éloigne définitivement de l’île de vos rêves. Il faut savoir alors bien définir ce que l’on veut ; faire le point sur ses forces pour mieux les rassembler ; s’armer de persévérance, parfois jusqu’à l’obstination mesurée, pour rattraper le vaisseau perdu de ses ambitions. Mon mauvais choix à moi a été de quitter l’éducation nationale trop tôt. Un choix « rebelle », d’autant plus incompréhensible que l’école m’a transmis la passion d’apprendre. Amour de la découverte et de l’assimilation qui m’anime toujours. Peut-être devrait-on apprendre aux enfants que l’école est une fabuleuse aventure, plutôt que de vouloir leur faire réciter par cœur des poésies d’un autre âge dont la faute est sanctionnée par des notes. Le règne de la mauvaise note, c’est l’apprentissage par la honte. Il faut reconnecter le savoir à la réalité, aux préoccupations et aux besoins, pour retrouver le plaisir du franchissement, le goût de la réussite.


Au début, il y avait le chaos.

Après sept années d’école militaire, j’ai donc quitté l’éducation au bout de deux ans d’architecture. J’y ai découvert le beau, la fascinante Histoire de l’Art, le dessin et ces techniques, ouvert l’esprit à la créativité : d’un vide projeté un tout. Cette école de la mise en œuvre de solutions, faire avec ce que l’on a, faire bien, faire mieux, innover. Le jeu des idées, des idées nouvelles, des plaisirs du défi et de l’accomplissement.
Construire une œuvre qui a du sens. Le sens, c’est le message. Dire quelque chose. Exprimer. Communiquer les idées.

Se confronter à la réalité du monde du travail avec un CV vide ou presque, c’est un peu comme affronter une montagne par la face nord : tout est fait pour que l’on reste en bas. Le mieux que vous puissiez espérer, c’est de devenir porteur pour les autres. Très vite envoyé dans la région parisienne pour me « mettre au travail », j’ai commencé à naviguer entre mille petits boulots. L’intérim était mon sacerdoce. Décharger des camions, déménagements, magasinier, employé pour l’inventaire de stock ou de grands magasins et même homme de ménage ou commis de cuisine… tout y passait pour ramener un chèque, assumer le quotidien et s’acheter ma première guitare et ces accessoires. Un rêve de musicien pour équilibrer ma vie, ne comprenant pas bien ma valeur ajoutée dans ces d’emploi à la tâche, ni les perspectives de vie qu’il en découle.

Rentré chez France Telecom, j’ai commencé une vie de magasinier pépère dans le fonctionnariat, passant la plus grande partie de mon temps à dessiner et travailler la musique, tout en parlant expo et artistes avec mes collègues les plus proches. Préparer des commandes, un peu d’inventaire continu et participer à la gestion après une formation en approvisionnement… mais pas mal de temps à perdre. Beaucoup y construiraient un aboutissement tranquille jusqu’à la retraite. J’y ai découvert les plus grands écrivains contemporains en dévorant leurs livres. Les longues heures de métro et RER y sont aussi pour beaucoup. Travailler le dessin jusqu’à déstructurer les lignes. Accumuler les progrès en tant que guitariste soliste, passant parfois plus de 14 heures dans une journée libre à répéter des gammes musicales. 
J’en ai profité pour passer un examen interne pour me qualifier en gestion de stock. J’ai même essayé de reprendre les études avec des cours de sciences politiques avec des profs de l’ENA, mais les heures de RER et métro après le travail, pour aller en cours du soir, et ensuite pour revenir, ont eu raison de ma bonne volonté, malgré un programme passionnant sur la cinquième République et ses institutions.


Est-ce un quotidien professionnel si peu proche de moi qu’il a fallu compenser par toujours plus de connaissance artistique ? Ou simplement, l’endroit où je ne devais pas être, toujours est-il que j’ai quitté la place sur un coup de tête au bout de trois ans, persuadé que je ferais mieux ailleurs. Une rechute de la mauvaise option genre « je quitte l’école », mais, cette fois-ci, pour de bonnes raisons. Ce que je n’avais présagé, c’est que ce retour à la case départ me relancerait dans de nouvelles années de galères, sans étapes franchies pour construire une vie. À peine plus de vingt ans et une nouvelle vie débutait. 


Retour donc à la case départ. ANPE, sans conviction. Acheter les journaux en espérant une annonce jamais là. De l’intérim. Et même quelques très brèves tentatives peu concluantes dans la vente au porte-à-porte : aspirateur Electrolux ou produits de nettoyage Amway, j’ai essayé, mais n’avait que peu de goût pour ces processus de vente forcées ou presque. J’y ai au moins gagné d’apprendre ces techniques commerciales agressives et donc, de pouvoir les voir venir, de pouvoir les déjouer. De tout, on retire du bien, même du pire.

Les années parisiennes ont aussi été les années de l’art. Dans l’élan de 1981 et Jack Lang, j’ai passé mon temps libre à écumer les galeries, membre du Centre Georges Pompidou de Beaubourg, je visitais toutes les expositions, vu nombre de conférences ou avant-premières, ou encore assisté à de nombreuses rencontres ou concert à L’IRCAM de Pierre Boulez. Beaucoup de peinture jusqu’à la pratique de l’expressionnisme abstrait et mes premiers pas dans la photo amateur. Côté musique des heures de répétitions pour essayer de mettre en place un groupe. L’ouverture au Jazz et sa virtuosité.

Devenu un jeune banlieusard, ma vie s’est transformée en un vaste chantier de débrouille, avec des hauts et des bas. Du plus bas, il a fallu tout reconstruire. Pour ce faire, j’ai préféré quitter Paris pour un retour à la campagne gersoise.

1985, du rock à la pub.

C’est à cette date que l’idée a germé dans mon esprit. Une étrange conjonction d’événement apparemment sans rapport les uns avec les autres : le concert Live at Wembley, la popularisation du magnétoscope et des clips vidéo.
Dans les années 1980, le VHS s’impose dans les foyers, cinq chaînes de télévision en France et les magasins de location de film ne sont pas encore légion. L’Éthiopie subit une famine qui fait scandale. Bob Geldof décide de faire un mega-concert international dont les bénéfices seraient destinés à aider ce peuple. Musicien, fan de rock et humaniste, je suis à fond dans la démarche et veux enregistrer ce double concert fabuleux qui concentrent la quasi-totalité des plus importants artistes du moment. Je décide d’acheter un magnétoscope pour enregistrer l’événement diffusé dans plus de 100 pays différents.

À cette époque, donc pas grand-chose à se mettre sous la dent question programme de télévision. Une fois ce fabuleux concert sur cassette vidéo, j’ai commencé par charger quelques bandes avec des clips vidéo des tubes du moment. Un must en pleine effervescence dans les années quatre-vingt. Les clips réunissaient deux passions : le cinéma et la musique, avec cette touche d’effets spéciaux qui passaient presque pour des miracles. Mais un autre format cours me fascinait au point de vouloir les mémoriser : les spots de pub TV.

La pub est rentrée dans ma vie comme une évidence. J’avais déjà comme conviction que l’architecture était la reine des arts, puisque faisant appel à toutes les disciplines de l’espace : sculpture, peinture, dessin … mais en trois dimensions. L’acoustique y a son mot à dire, mais manquait la musique, l’écriture. La pub réunie tout cela. Pour faire une campagne publicitaire, il faut des textes, de la musique et du son, de la vidéo ou du cinéma, de la mise en scène, de la déco, de la mode, de la photo … tout, tout y est. C’est en tout cas l’idée qui a germé en moi et qui allait me guider dans les arcanes de ces métiers fabuleux, sexy, mais aussi inaccessible que la plus belle fille du village. 

La terre pour rédemption.

Il fallait un environnement serein pour remettre de l’ordre dans ma vie et trouver une porte. La douce campagne gersoise a joué son rôle pour tempérer les ardeurs de la jeunesse et me guider vers le pragmatisme qui me permettra de mettre le pied à l’étrier.
Après vingt-cinq ans, je passe du monde conquis au monde à conquérir. Cette maturité en devenir qui fonde sa vitalité sur la maîtrise au détriment de l’illusion. L’espoir, c’est construire pour aboutir.

La campagne, surtout dans un pays vinicole, c’est du travail toute l’année. Payer au SMIC ou à la tâche, sous la chaleur irradiante de l’été ou le froid glacé de l’hiver, du travail sur les domaines agricoles. Des travaux durs qui tiennent du défi, quand il faut tailler et faire tomber les serments givrés, que vous commencez un matin gelé et que devant vous onze hectares de champs restent à faire. Une montagne à déplacer. Je me souviens notamment de l’hiver 1990, coupant la vigne de Mr Capmartin à Maumusson, avec une radio branchée en permanence sur les informations pour suivre la Guerre du Golfe.

Je me m’entend encore dire à un ami sans trop de conviction « tu sais, si un jour je travaille dans la publicité, que je travaille sur une pub pour du vin, je pourrais dire que je connais bien la vigne et les métiers du vin, et avoir un regard moins superficiel, plus apprécié. » Un peu naïf certes, mais une dimension de vouloir maitriser les choses en profondeur.

La vie aux champs laisse aussi beaucoup de temps à la méditation, quand on laboure ou que l’on plante des piquets. Faire bien pousser pour mieux récolter. Admirer la nature au fil des saisons.
Dans cette période agricole, deux expériences originales : employé dans un magasin de disque à Pau dans le cadre duquel j’expliquai au patron qui ne s’en sortait pas, que c’était l’avenir de la musique, quand on pourrait la mettre sur des plateformes accessibles à tous, en location. J’y ai écrit ma première accroche pour le magasin, un peu maladroite : « à l’écoute de votre plaisir ». Cette petite pub faite avec les moyens du bord a créé de l’intérêt, mais, déjà, on m’a demandé si je savais me servir d’un ordinateur. N’y connaissant rien, ces portes se sont refermées.
La deuxième, gérant de bar, m’a permis de partir à Toulouse grâce à l’argent gagné. J’ai tenu pendant quelques mois le bar du village. De longues heures de travail : l’ambiance, la nuit, mettre le feu au bar mais, ouverture obligatoire dès 9h00 pour les premiers habitués, le ménage devant être fait avant bien sûr. Un deal simple avec le propriétaire qui voulait prendre des vacances : « tu te débrouilles et tu prends 20% ». Quelques bons conseils de ce dernier pour bien animer la maison et de la confiance. Une belle opération qui m’a permis d’avoir les fonds nécessaires pour m’envoler.







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